Maquis de l'Ain et du Haut-Jura

SOUVENIRS

900 Frenchmen say thanks here on 30th anniversary of Allied Invasion



Tel est le titre qu'offrait à ses lecteurs «THE NEW YORK TIMES» daté du 7 juin 1974 et qui dans un long article relatait les cérémonies de la veille.

Le 6 juin 1974 près de mille Français se sont trouvés rassemblés le matin à «Madison Square Park» où brûle «l'Eternel Light», équivalent de la flamme du tombeau du Soldat Inconnu; l'après-midi ces mêmes Français se retrouvaient à Liberty Island au pied de la Statue de la Liberté.

L'aventure pour ces hommes et ces femmes venus de tous les coins de France, avait commencé quelques jours plus tôt. Tous avaient répondu à l'idée lancée de Paris : débarquer à New-York le 6 Juin 1974 pour venir dire merci aux Américains qui ont contribué à notre Libération. Le voyage - d'aucuns diraient l'expédition - prit le nom d'OVERLORD 74, nom de code du débarquement allié en Normandie 30 ans plus tôt.
Trois groupes devaient se retrouver à New-York : celui qui parti en croisière à bord du France le 24 Mai visitait NewYork, puis Washington pour revenir ensuite à New-York, celui qui s'envolait de Paris le 3 juin et visitait également ces deux villes, le troisième enfin - le nôtre - qui le 4 juin, de Roissy, rejoignait directement New-York.
Vers 12 h.30, le 4 juin, débarquait à Paris le groupe des Maquis de l'Ain et du Haut-Jura 89 personnes dont 37 femmes, mères ou épouses de maquisards. Comment ne pas citer ici quelques vieilles figures sympathiques Paul Dubourg (notre doyen), Paul Johnson, Verduraz, Jean Miguet, Paulo Miguet, Michel Penon, Marc Deloche, Madame Montréal, Maurice Decomble et sa mère, Raymond Golin, Madame Pioud... l'ensemble du groupe placé sous la houlette de notre trésorier Raymond Jacquet.

Reconnaissables grâce à un badge qui fera impression à New-York, nous prenons place dans deux cars qui nous conduisent à l'aéroport Charles de Gaulle. Cette énorme construction de béton pour qui la voit de loin, prend pour l'utilisateur des dimensions beaucoup plus humaines et à aucun moment on ne se sent écrasé, car ses dimensions sont bien proportionnées.

Les formalités de douane et d'embarquement - un peu longues - terminées, nous nous acheminons vers le «satellite», c'est-à-dire l'aire d'embarquement réservée à notre vol. Première surprise pour les néophytes du voyage aérien moderne, on ne monte pas dans l'avion par une échelle ou un escalier amovible, mais une passerelle couverte (genre de couloir de métro) vous amène de plein pied dans la carlingue de l'avion. Le nôtre est un Boeing 747, mastodonte capable d'avaler 500 personnes, mais qui, étant donné notre effectif doit ce jour là se contenter de 400 passagers.
Dix fauteuils entre le hublot de droite et celui de gauche... pas de chance pour ceux qui se trouvent assis au milieu, ils ne verront pas grand chose de ce qui se passe à l'extérieur. Décollage en douceur malgré les tonnes de ce géant de l'air et lorsque le pilote nous autorise à déboucler la ceinture de sécurité c'est un brouhaha et un va et vient de touristes désireux de se délasser les jambes et de discuter avec les amis disséminés dans l' avion.

Les côtes de l'Angleterre disparaissent et voici l'océan - souvent caché par les nuages - le Groenland (magnifique spectacle de montagnes enneigées et ensoleillées), le Canada... puis l'Amérique : tout cela en 8 heures d'horloge. Le temps s'est écoulé cependant rapidement coupé par la distribution d'apéritif, puis d'un repas, puis de visites au bar... II est évident que les Américains connaissent mal la capacité d'absorption des maquisards et anciens résistants car au bout de quelques heures le bar est désespérément vide, tout y a passé, même les jus de fruits...

New-York est annoncé et nous y atterrissons en douceur (applaudissements pour l'habileté du pilote) à 19 h.30,heure locale, c'est à dire 0 h.30 heure française. C'est le transport vers le Royal Mahhatan où sont logés tous les Français, «petit» hôtel de 1200 chambres réparties sur 32 étages....
Un petit groupe a accompagné Paul Johnson dans sa maison de campagne familiale située à Stockbridge dans le Massachussets à 120 miles au nord de New-York. Une cérémonie franco-américaine y est prévue.

Le séjour à New-York est donc centré sur les cérémonies du 6 Juin, mais permet aussi la visite de cette ville où l'on marche le cou tendu pour apercevoir le sommet des gratteciel. Au goût de chacun on a pu visiter Manhattan, Broadway, Wall Street, Harlem, China-Town et même les chutes du Niagara pour qui acceptait de payer un supplément assez important puisqu'il fallait s'y rendre en avion.

Que dire des cérémonies, sinon que tous les Français présents étaient venus pour cela, pour témoigner leur reconnaissance aux Américains qui ont risqué et donné leur vie il y a 30 ans pour nous aider à recouvrer la liberté perdue. Cérémonies bien simples, mais très ferventes où se retrouvait la fraternité des frères d'armes. Parmi ceux présents on ne distinguait pas entre déportés, résistants, maquisards ou anciens de la France Libre, de la Première Armée ou de la 2e D. B. Chacun était un participant d'OVERLORD 74 et à ce titre s'assurait le respect de tous.

Au risque de passer pour chauvin je dois dire que les Anciens des Maquis de l'Ain et du Haut-Jura ont été très remarqués, car leur groupe ne passait pas inaperçu. Outre le badge porté par tous, les hommes étaient coiffés d'un béret alpin pendant les cérémonies (une idée de Paul Johnson) et la discipline du groupe a suscité quelque jalouse admiration. C'est ainsi que lorsque nous avons été invités à jeter chacun une rose dans la baie d'Hudson, au pied de la Statue de la Liberté, c'est en groupe constitué que nous avons accompli ce geste
d'amitié.

Signalons qu'à New-York nous avons retrouvé Voivod (Celler du Sordet) et Madame Séveranne, tous deux anciens du Haut-Jura, partis avec un autre vol que le nôtre, ce qui illustre bien que New-York n'est pas si grand que le laisse entendre les Américains...
Tout a une fin cependant, et dans la nuit de vendredi à samedi, après une journée harassante où chacun a couru les magasins à la recherche d'un souvenir original... c'est le retour endeuillé hélas pour nous Maquisards de l'Ain puisque notre ami Adrien Genod est mort dans le car qui le transportait à l'aérodrome Kennedy. Nous devons partir sans lui et ses amis les plus proches se demandent comment annoncer cette affreuse nouvelle à ses 3 enfants qui n'avaient déjà plus leur mère.

Séjour trop court déplorent tous les participants qui ne sont pas pris d'oublier ce magnifique voyage. Sans attendre le 60ème anniversaire, nul doute que ceux qui le peuvent feront un voyage moins précipité qui leur permettra de mieux connaître cette fascinante Amérique (1) dont ils n'ont pu découvrir qu'un petit morceau.

LUDO

Lexique des sigles
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