Maquis de l'Ain et du Haut-Jura

LE CAS EXEMPLAIRE DE L'ORGANISATION DES MAQUIS DE L'AIN

Le colonel Henri ROMANS-PETIT


Chef emblématique des maquis de l’Ain et du Haut Jura


Il y a vingt-trois ans s’éteignait, à l’âge de 83 ans, le colonel Henri ROMANS-PETIT (Henri PETIT) dans sa propriété de Ceignes, le 1er novembre 1980. Parmi tant d’autres grandes figures, le chef des maquis de l’Ain a été l’un des condottieres de la Résistance. L’emploi de ce qualificatif ne signifie pas que ROMANS-PETIT soit comparable à l’un de ces chefs de mercenaires qui sévissaient autrefois en Italie. Si les convictions républicaines de ROMANS-PETIT ne font aucun doute – alors que certains le qualifient sans preuve de monarchiste, ou appartenir à un parti d’extrême droite – il faut préciser que le contexte de l’époque favorisait l’éclosion de ces seigneurs de la guerre qui estimaient être en marge de toute autorité, en particulier celle de l’Etat français. Ils pensaient naturellement incarner à eux seuls la légitimité nationale, ou du moins une parcelle. A leurs yeux, le général DE GAULLE n’est que son symbole.

ROMANS-PETIT
ROMANS-PETIT

Cependant, cette image est réductrice de la réalité. Avec le chef des maquis de l’Ain, il faut aller beaucoup plus loin dans l’analyse pour mettre en évidence les mobiles réels qui guident son action. Ceux-ci relèvent tout autant d’une doctrine militaire dont les bases reposent sur la guérilla pratiquée contre l’occupant allemand que de la véritable nature du combat révolutionnaire émanant de soldats-citoyens animés du seul but de rétablir la République, tout en marchant sur les traces de leurs illustres prédécesseurs de 1793.

ROMANS-PETIT n’apparaît pas sous la seule apparence d’un chef de bande agissant sans méthode. Pourtant, c’est l’image que le régime politique de Vichy veut donner de lui en 1943. Les faits prouvent constamment le contraire. Si le défilé des maquisards de l’Ain organisé le 11 novembre 1943 à Oyonnax en est la démonstration la plus éclatante, d’autres points méritent d’être soulignés. Tout est fait, selon lui, pour donner des maquisards de l’Ain, dont l’immense majorité ne possède aucune expérience de la vie militaire et de la guerre, l’aspect d’une petite armée entraînée, disciplinée, aguerrie et organisée. Il s’agit d’une affaire de communication pour cet ancien publiciste.
Cette image parfaite ou idéalisée du maquis, ROMANS-PETIT la peaufine pour la présenter et la défendre aussi bien devant les chefs de la Résistance, tant sur le plan national que régional, comme Michel BRAULT, chef du Service National Maquis, Louis MANGIN, Délégué Militaire National, Maurice BOURGES-MAUNOURY, délégué militaire de la zone sud, Alfred MALLERET-JOINVILLE, chef du directoire régional des Mouvements Unis de la Résistance (M.U.R.), qu’aux représentants des services spéciaux alliés et gaullistes en mission en France, comme les majors HESLOP et VAN MAURIK, le Wing Commander Yeo THOMAS, et Jean ROSENTHAL. Il se rend clandestinement jusqu’à Berne, en Suisse, pour contacter les services secrets américains ainsi que le général de l’armée de l’air DAVET responsable de la Délégation suisse du mouvement Combat et des M.U.R. Car pour survivre et justifier de leur existence, les maquisards ont besoin d’argent et d’armes. Moyens qui sont fournis très parcimonieusement en 1943 par les mouvements de Résistance et les services spéciaux basés en Angleterre, comme le S.O.E.(CHURCHILL), l’O.S.S.(ROOSEVELT) et le B.C.R.A. (DE GAULLE). En effet, ces derniers ne procurent des armes et des explosifs qu’à des groupes de maquisards disciplinés et très bien encadrés. Lorsque ces officiers anglo-saxons inspectent les camps des maquis de l’Ain, tout est fait par ROMANS-PETIT pour les séduire et les impressionner. Du contenu favorable de leurs rapports transmis à Londres dépendent les envois d’armes et d’explosifs à leur profit.

ROMANS-PETIT pense obtenir un consensus possible avec le régime de Vichy, du moins avec ses forces de répression constituées par les Groupes Mobiles de Réserve. Il tente sans succès, par des intermédiaires, des démarches pour préserver les camps du maquis de toute opération policière, notamment auprès du préfet de la Haute-Savoie – ROMANS commande par intérim les maquis de ce département à la fin de l’année 1943 - et d’ANGELI, préfet régional à Lyon ; en voulant distinguer les bons maquis qu’il faut maintenir – les siens en particulier - des mauvais qui se livrent au pillage et méritent d’être éradiqués. Mais il ne peut y avoir de collusion possible entre un Etat policier à la solde de l’Allemagne et la Résistance. Ce qui est possible sur le plan local avec certains policiers ou avec la gendarmerie qui ferme souvent les yeux sur les agissements des maquisards ou parfois les aide, ne l’est pas au sommet de l’Etat français. A la fin de l’année 1943, le mythe de PETAIN, faisant office de bouclier pendant que le général DE GAULLE tient l’épée, a fait long feu. Pour faire face au développement des actes de sabotages et de guérilla, les troupes d’occupation prennent le relais des forces de police de Vichy.

A partir de début de l’année 1944, la lutte armée entre l’occupant et les maquis se radicalise dans l’Ain. Il n’y a plus d’hésitation possible pour ROMANS-PETIT qui considère que seule l’action peut donner davantage de cohésion à ses troupes. Les Britanniques intensifient les parachutages d’armes et d’explosifs. Pendant ce temps les effectifs des camps du maquis s’accroissent. Le chef des maquis de l’Ain a gagné son pari. L’image du maquisard s’est affirmée et consolidée dans les esprits, aussi bien en France occupée que dans les pays alliés. Mais ces progrès dans l’efficacité ont pour corollaire une répression impitoyable de la part des troupes d’occupation à l’occasion de trois opérations répressives menées en 1944. Pour avoir aidé et contribué aux succès du Maquis, la population civile aura payé chèrement dans l’Ain le prix de sa liberté.

Patrick VEYRET

Lexique des sigles
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